La ligne Maginot le 19 mai 1940

Ce 19 Mai 1940, cette 1ère reconnaissance de terrain laisse au Colonel du 43ème RI une impression assez pénible, d'une ligne de force non terminée, mal armée, et, non entretenue. On pourra, ainsi, mieux apprécier l'héroïsme et le courage de ces hommes durant 7 jours.
En 1940, le dispositif de 3 lignes de défense s'étend sur 5 Km de Château-l'Abbaye à Odomez.

  • Une ligne "principale de résistance" , établie au sud du cours de l'Escaut, est dotée de quelques petits blocs bétonnés aux embrasures latérales disposées pour défendre le fleuve.Certains de ces ouvrages sont complètement terminés, et armés de mitrailleuses, canons de 25 mm et de FM. Ce sont les blocs dits:
    • Bas Marais
    • Long Buhot
    • Couple des Ecoles de Bruille
    • Bloc de la Forêt
    • Diamant (sur la place d'Odomez).
    • D'autres sont inachevés, aux portes et créneaux béants, sans blindage, et sans armement. On les nomme Bloc Emeraude, Bloc Granit. De plus, ni les inondations prévues pour renforcer cette ligne, ni les dégagements des champs de tir ne sont réalisés. Entre les blocs s'ouvrent quelques éléments de tranchées, non encore approfondies, qu'occuperont les troupes d'intervalles.
  • Une "ligne de soutien" suit l'arête d'un léger mouvement de terrain à quelques centaines de mètres en arrière de cette ligne principale, et la dominant faiblement. 7 petits blocs sont implantés, inachevés et non armés dits blocs :
    • Buridon N.
    • Buridon E.
    • Hauterive E.
    • Bruille Sud.
    • Mairie de Bruille ou Intermédiaire.
    • de la Tour.
    • du Cimetière.
    • Un fossé antichar relie ces blocs, mais il est éboulé en de nombreux points, et les terres non étalées enlèvent toute possibilité de tir. Au point culminant, la tour d'un vieux moulin a été choisie pour être transformée en tour d'observation par un très solide revêtement intérieur en ciment fortement armé.
  • Une ligne d'arrêt, passant aux lisières Nord de la forêt de Raismes, est jalonnée de petites casemates achevées depuis longtemps, et parfaitement équipées. Ce sont les casemates:
    • Rosières.
    • Hauterive.
    • Un fossé antichar continu, mais éboulé lui aussi, les relie.

Le 20 mai 1940: l'installation

'ennemi ne se manifeste que par le survol de nombreux avions de reconnaissance qui gênent faiblement la prise de position des français.
Cette journée laisse aux hommes le temps de reprendre leur souffle avant la tempête.

Le 19 Mai 1940
La 1ère armée repasse l'Escaut. Elle a subi le choc du 16ème corps blindé allemand entre Wavre, Gembloux, et, Namur. La 1ère DIM du Général de Camas "la Division du Nord" a beaucoup souffert lors de son repli sur la Dyle (1ère R.I. de Cambrai, 43ème de Lille, 110ème de Dunkerque, 15ème et 215ème d'artillerie de Douai) . 
Au 43ème RI:

  • le 1er bataillon est à 30% de son effectif.
  • le 2ème à 50%.
  • le 3ème à 60% .

Au 1er RI. Le 1er et le 3ème bataillon sont à 50%.

 

Le 20 au matin:
La 1ère DIM est en ligne derrière le canal sur la rive Ouest entre Château-l'Abbaye et Bruay-sur-Escaut. Les hommes du 43ème RI devant Bruille, Notre Dame au Bois et Odomez; ceux du 110ème aux lisières Nord du Trieux de Fresnes. Le 1er bataillon du 1er RI est à Fresnes et le 3ème à Escautpont.
A l'amère déception du début, due au faible état d'avancement des travaux dans un secteur que l'on croyait fortifié, se succèdent quelques satisfactions et rehausse le moral des troupes.En plusieurs endroits gisent des reliquats d'anciens dépôts de matériel, bobines de fil barbelé, lourdes dalles, et, tubes de ciment. Les hommes n'ignorent pas que leur vie dépend du bon emploi de ces moyens. La reprise de l'approvisionnement normal des vivres, les basses-cours bien garnies et les magasins bien pourvus de produits alimentaires, ne laissent pas, non plus, les hommes insensibles. L'information que les régiments peuvent compter sur le 15ème RD, en position sur la Croisette et qu' un important dépôt de munitions existe à St-Amand, les rassurent. Tant est présent à leur mémoire l'aide apportée par l'artillerie dans les précédents combats.

Le 21 et 22 mai: la préparation

Le 21 Mai

Un poste allemand est repéré à l'entrée Nord du pont sauté d'Hergnies.
A 200 m à l'est, l'ennemi tente de construire une passerelle face à un boqueteau à hauteur du bloc de la Forêt. A maintes reprises, notre artillerie exécutera des tirs précis qui gêneront l'exécution des travaux, sans toutefois, réussir à l'interdire.
Un autre point stratégique existait au Sud de la Fosse d'Amaury, où subsiste une écluse intacte, et, la présence d'importants marécages, empêche une défense active. L'opposition du franchissement de l'Escaut sera particulièrement difficile entre le pont d'Hergnies et Odomez.

Peu avant midi, l'artillerie ennemie commence à entrer en action visant particulièrement le bloc de la Tour, le bloc Intermédiaire, et le carrefour de la cote 18. Ces points d'appui importants  bloquent la route d'Hergnies. Le centre de Notre Dame au Bois reçoit un sévère bombardement
La nuit venue, les tirs s'apaisent, les allemands préparent le franchissement du fleuve. Les rafales de quelques blocs témoignent de la vigilance des français.

Le 22 Mai

Dès les lueurs du jour , l'artillerie ennemie reprend des tirs plus denses, et, plus nombreux. Ils intéressent, maintenant, tout le sous secteur du 43ème, avec une intensité accrue sur le centre de Notre Dame au Bois, où le bataillon Chabrolle subit des pertes importantes. Malgré cela, aucun mouvement d'attaque ne se profile.
Pendant toute l'après-midi, des tirs violents se poursuivent sur toutes les organisations : blocs, PC, tranchées.
Un obus pénètre dans le bloc de la Forêt, provoque un incendie, et, l'évacuation de l'ouvrage.

Cette journée se solde par des pertes sévères dues aux bombardements, et, par l'abandon du bloc de la Forêt. Il représentait, en effet, un organe essentiel de la défense. L'ennemi est à pied d'oeuvre : il va maintenant passer à l'attaque.

Le 23 et 24 mai 1940: le combat

Le 23 Mai

Dans la nuit, des éléments ennemis passent l'Escaut au pont d'Hergnies, et, s'avancent jusqu'au carrefour 18 pour l'enlever, mais, n'y parvienne pas.
Une contre attaque française, pour reprendre l'ouvrage de la Forêt échoue.
L'ennemi, qui vise Notre Dame au Bois, s'acharne sur la Tour du Moulin : l'âme de notre défense. Tout au long de la bataille, elle jouera le triple rôle d'observatoire, de point fort, et, d'abri. Le bombardement de cet ouvrage ne cessera plus, alors, ni le jour, ni la nuit.
Sur l'autre aile, le bataillon Souhard du 110ème RI repousse une attaque sur la casemate de l'arrêt du Trieux. Une tentative de franchissement échoue à l'écluse de Fresnes. Les allemands n'ont, nulle part ailleurs, pour franchir l'Escaut. 
La journée s'achève avec les allemands contenus à la lisière de Notre Dame au Bois. Nos troupes se replient sur la tour du Moulin.Sur le flanc droit, les évènements se précipitent au matin. Les allemands franchissent l'Escaut de force. Le bloc Diamant d'Odomez (situé sur la place) tombe, le point d'appui de la soierie d'Odomez est submergé. De là, l'ennemi se glisse dans le bois Nord-Est de la Ferme Bar. Un combat acharné se livre sous bois, allant jusqu'au corps à corps.Les allemands sont retenus, mais les munitions s'épuisent, et, vers 16 heures, ils sont maîtres de l'endroit.

Le 24 Mai

Dans la nuit, les bombardements se sont poursuivis de part et d'autre. Au petit matin, un épais brouillard enveloppe le champ de bataille. Partant de la base, conquise la veille, l'infanterie ennemie, renforcée au cours de la nuit, enlève le poste du carrefour de la cote 18. Plusieurs contre-attaques du 43ème restent sans résultat à cause du barrage intensif et dévastateur de l'artillerie allemande.Le bloc Granit (situé face à l'École) tient toujours, ainsi, que le bloc du Cimetière de la Haute Ville, situé sur la ligne de soutien. La nuit venue, les poussées d'infanterie ennemie cessent, complètement, sur l'ensemble du front, seule l'artillerie maintient ses tirs. 
Ainsi, s'achève une rude journée mais les français sont toujours maîtres de la position. 

Le 25 et 26 mai: la fin

Le 25 Mai

Les Allemands, réconfortés par une division fraîche : la 217 ID qui relève la 269ème, attaquent sur un front large de 1 Km sur le centre de résistance de la Hauteville, et, en direction du bloc de Bruille.
Ils progressent de plusieurs centaines de mètres, mais, ils se heurtent à une résistance acharnée du 43ème, soutenue par des tirs d'artillerie précis et efficaces : l'ennemi est partout rejeté.
L'artillerie allemande tire, de tous ses tubes, sur les villages et les blocs. Si, durant tout le jour, l'ennemi a cherché à écraser sous ses tirs puissants les organisations de l'avant, il a aussi, maintenu son action destructrice sur les arrières où les vagues de bombardier n'ont cessé d'alterner avec l'artillerie. De ce fait, le poste de commandement de la Ferme des Rosières est abandonné, et s'installe à la sortie de Cubray.
Cette journée du 25 Mai se solde, pour le 43ème, durement éprouvé, par un incontestable succès.


Le 26 Mai

La nuit du 25 au 26 Mai n'a guère laissé de répit aux troupes engagées.  les allemands veulent en finir avec le 43ème.
Le matin, le cimetière de Hauteville, tenu par le 110ème, est pris. L'ennemi pousse vers l'Ouest pour encercler Notre Dame au Bois. Il tente de faire tomber la Hauteville en partant de Bruille Sud, et, en prenant la ligne des blocs à revers. Leur objectif est d'atteindre la Scarpe pour isoler les français de Château-l'Abbaye. Les blocs, attaqués par des tirs d'embrasures à bout portant ne peuvent riposter. Ils tombent, les uns après les autres, avec de lourdes pertes. Les garnisons résistent jusqu'au bout, et périssent le plus souvent, de coups d'obus.
A 22 H 30 l'ordre de retraite générale est donnée . Les troupes se replient vers Raismes et St-Amand. Le dernier bataillon du 43ème traverse la Scarpe vers 1 H du matin.
La bataille de l'Escaut est terminée. Entre Maulde et Bruay, une division française, à effectifs réduits, a tenu tête à deux divisions allemandes au potentiel complet pendant six jours et six nuits consécutives. Les pertes ont été sévères et le 43ème ne compte guère qu'un peu plus du tiers de ses effectifs.